samedi 1 juin 2013

Le grand cahier d'Agota Kristof



"Notre Mère nous disait:
- Mes chéris! Mes amours! Mon bonheur! Mes petits bébés adorés!
Quand nous nous rappelons ces mots, nos yeux se remplissent de larmes.
Ces mots, nous devons les oublier, parce que, à présent, personne ne nous dit des mots semblables et parce que le souvenir que nous en avons est une charge trop lourde à porter."
 
 
Klaus et Lucas sont jumeaux. La ville est en guerre et leur mère décide de les mettre à l'abri chez leur grand-mère.
Cette dernière, surnommée "La Sorcière" par ses voisins, est sale, mauvaise comme une teigne. La transition est dure pour les deux gamins qui décident de renforcer leurs capacités à affronter "l'ennemi". Ils se livrent dès lors à un entraînement rigoureux en alternant des exercices d'endurance, de jeûne, de silence. Et en développant un art subtil de la débrouille. Quitte à se créer une morale bien à eux.
 
C'est un livre qui m'avait été chaudement recommandé par l'animatrice d'un de mes ateliers d'écriture. J'en avais retardé la lecture un peu sceptique devant les échos. Je suis toujours aussi sceptique après sa lecture.
D'abord parce que je suis incapable de dire si j'ai aimé ou pas ce récit. Je l'ai dévoré en quelques heures, incapable de me déconnecter de cette histoire froide et impitoyable. Et en même temps, je me suis sentie en permanence dégoûtée par l'extrême violence de ces deux enfants que rien n'arrête. De plus, l'écriture d'Agota Kristof en elle-même peut laisser perplexe : dépouillée, elle ne tolère aucun qualificatif, aucun adverbe inutile. Rien dans son écriture ne permet d'adoucir le choc de ce qu'elle raconte. Il ne reste que les mots, secs, durs, sans compromis. Même les personnages ont été dépouillés de toute humanité pour n'être plus que des stéréotypes : le Facteur, la Mère, le Père... Et le lecteur se retrouve ainsi comme hypnotisé par l'horreur de faits bruts, incapable de détourner le regard. Condamné à regarder le spectacle obscène qui s'offre à lui.
 
Une lecture intéressante mais qui laissera sans aucun doute des marques indélébiles dans ma mémoire.
 


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