vendredi 13 décembre 2013

Terrienne de J-C Mourlevat


J'ai découvert Mourlevat avec "Combat d'Hiver" que j'avais beaucoup aimé. Amazon m'a permis de télécharger le premier chapitre de ce roman et j'ai trépigné d'impatience jusqu'à sa sortie en poche.

La 4ème de couverture annonce que " Tout commence sur une route de campagne... Après avoir reçu un message de sa sœur, disparue depuis un an, Anne se lance à sa recherche et passe... de "l'autre côté". Elle se retrouve dans un monde parallèle, un ailleurs dépourvu d'humanité, mais où elle rencontrera cependant des alliés inoubliables. Pour arracher sa sœur à ce monde terrifiant, Anne ira jusqu'au bout, au péril de sa vie. Elle se découvrira elle-même : Terrienne.
Vous ne respirerez plus jamais de la même manière."
 
J'aurais envie de reformuler en signalant que tout commence sur une petite route de campagne pour un écrivain en mal d'inspiration qui s'arrête pour prendre une jeune auto-stoppeuse car elle lui rappelle bien trop sa petite-fille pour qu'il se sente de la laisser sur le bas-côté, à la merci du premier malotru.
Il m'a plu tout de suite ce vieux bonhomme plein de doutes et de questions, qui souffre à chaque fois qu'il se rend chez son dentiste et qui prend le temps de s'arrêter pour cette jeune fille. J'ai bien aimé le dialogue qui s'instaure entre eux également.
J'ai beaucoup aimé aussi la manière tout en finesse dont l'auteur suscite le questionnement avec cette route de campagne et cette fille qui disparaît puis qui réapparait.
Malheureusement, la suite du livre a moins bien fonctionné. Peut-être me suis-je trop nourrie de la série "la 4ème dimension" mais je n'ai rien trouvé d'original à ce livre. Certes, les personnages sont attachants et il y a de l'émotion mais voilà, j'ai tellement aimé "Combat d'hiver" que j'en espérais davantage.
Je nuance toutefois mon propos grâce à la présence d'un personnage, non pas celui d'Etienne Virgil - l'écrivain dont le sort m'a frustrée horriblement - mais celui de Madame Stormiwell qui accueille l'héroïne lors de son premier passage de l'autre côté. Aucune fausse note de ce côté-là, le personnage est merveilleusement bien dépeint, est original et solide. Elle irradie littéralement dans sa différence et dans son attirance pour la "terriennitude"...
 
Rien que pour elle, le livre mérite qu'on lui réserve un bon accueil.
 
Un petit extrait pour se faire plaisir :
 
 
" Au spectacle de la matière gluante qui coulait sur les doigts de son élève, le lieutenant Geemader avait mis sa main devant sa bouche et il plissait les yeux.

— Bien, reprit-il une fois que tous les œufs furent cassés et battus dans le saladier. Veuillez maintenant apporter ce qui se trouve sur la deuxième étagère du réfrigérateur.

Un élève alla chercher le plat désigné et le déposa sur le plan de travail. Geemader recula d’un pas. Il avait légèrement pâli.

— Ces choses roses avec des bords un peu plus foncés sont des petits lardons. Ils ne sont pas produits par des animaux…

Chaque fois que le mot « animal » ou « animaux » passait les lèvres de Geemader, sa bouche se rétractait vivement et on imaginait ce qu’il devait penser à cette occasion : « Qu’est-ce qu’on m’oblige à dire, tout de même ! »
Il recula d’un pas encore, se retrouva dos au mur et, ne pouvant pas mettre davantage de distance entre les petits lardons et lui, il poursuivit :

— Non, ces choses ne proviennent pas des animaux, elles sont des animaux. Et pire, elles sont des morceaux d’animaux…

Pour aller jusqu’au bout de sa phrase, il dut contracter douloureusement son visage
de tortue :

— des morceaux d’animaux… morts.

Après cela, il lui fut plus facile d’évoquer la pâte brisée, l’emmental et le poivre muscade, mais, tandis que les élèves tranchaient, battaient, râpaient, mélangeaient et mettaient au four, il se tint aussi loin que possible de l’action.

— Bien, conclut-il quand les quiches furent enfournées, vous pouvez raccrocher vos tabliers et sortir. Nous reviendrons dans vingt minutes pour vérifier qu’elles sont bien cuites, et si c’est le cas, vous les emporterez à la cantine pour…

La fin de son épreuve arrivait et il puisa dans ce qui lui restait de courage pour prononcer cette dernière horreur :

— pour les manger."
 
 

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