mercredi 30 juillet 2014

@ActesSud @Freddeghelt : Laissez-vous emporter dans "les brumes de l'apparence"

J'ai un faible pour Frédérique Deghelt. D'abord parce qu'elle publie chez Actes Sud des livres dont les couvertures attirent irrésistiblement mon regard. Ensuite parce que j'ai adoré "La grand-mère de Jade", enfin parce que j'aime son style.
Du coup, je n'ai pas pu résister lorsque j'ai croisé "Les brumes de l'apparence" dans les rayons de ma librairie habituelle.
Je l'ai sagement placé dans ma PAL pour les vacances. Pour savourer et profiter pleinement.
Ce que j'ai fait.
Les premières pages m'ont emportée très rapidement et je me suis laissée embarquer dans l'aventure de Gabrielle.
Gabrielle a 40 ans et une vie bien remplie. Elle organise des événements, elle habite à Paris, elle a un mari qui pratique la chirurgie esthétique et un grand garçon, Nicolas. Elle a tout pour être heureuse et ne changerait rien à sa vie pour tout l'or du monde.
Seulement voilà, un coup de fil lui apprend qu'elle hérite d'une vieille maison et d'une forêt perdues au fin fond de nulle part. Gabrielle s'organise pour se débarrasser au plus vite de l'encombrant bien. Mais c'était sans compter sur l'inattendu qui va bousculer toutes ses certitudes...
 
" J'ai quarante ans, j'ai passé la moitié de ma vie à combattre un père-mère, et l'autre moitié à élever un fils. Dans un cas comme dans l'autre, je crois bien que j'ai échoué. Même si mon échec a des airs de réussite. Mon père continue à avoir toujours raison quand il joue la mère poule et mon fils ne cesse jamais de me dire que j'ai tort. Quant à mon homme, chirurgien esthétique de renom, je guette avec angoisse le matin où il me regardera en évaluant le coût et le temps des travaux. [...] Revenir au début de l'histoire, c'est me revoir avec tout ce qui compose ce moi-même rassurant et construit. Cette appartenance à ce qu'on croit nous appartenir. Mon mari, mon enfant, mon père, mon métier : mes mots pour les décrire, cet humour distancié, ce confort caustique qui laisse croire qu'on est honnête parce qu'on sait rire de soi-même."
Gabrielle est un personnage qui m'a beaucoup parlé. Peut-être parce que je m'approche moi-même des quarante ans. Sans doute aussi par cette remise en question qui va lentement mais rudement la transformer. J'ai aimé cette manière que l'auteur a choisie de venir mettre à mal ses certitudes. De la bousculer dans ses convictions. Car c'est un peu le jeu de notre vie à tous, être sans cesse remis en cause, en question.
 
A côté de ce personnage, il y a l'aspect surnaturel de l'histoire. J'ai eu peur de ne pas accrocher mais au fond, ça ne m'a pas posé problème. Et je souligne les remerciements de l'auteur en fin d'ouvrage " l'auteur tient à remercier les fantômes qui ont accompagné chaque jour ce roman en se manifestant par des signes relativement clairs". Cette phrase m'a semblé justifier pas mal d'éléments présents dans ce roman et m'a permis d'en accepter une certaine réalité.
 
Alors, crierai-je au génie? Certes, le roman m'a tenue en haleine et ses personnages resteront en ma compagnie encore longtemps ( comme souvent avec les livres de l'auteur) mais il reste ce défaut que je retrouve trop souvent ( à l'exception de la grand-mère de Jade) chez Frédérique Deghelt, c'est son goût prononcé pour la morale explicite. Cela l'entraîne dans de longs monologues justificatifs à mon sens absolument inutiles. Quel dommage d'imposer ainsi à son lecteur une signification, un chemin tout tracé. Il me semble que si la liberté nous était laissée de choisir le sens que l'on veut donner au vécu des personnages, l'histoire gagnerait en force. Et puis, le style est tellement bon quand elle oublie de nous faire la leçon :-)
 
Un bon roman, donc, mais avec des passages à lire "les yeux fermés" pour ne pas se lasser...
Allez, un passage que j'ai particulièrement aimé, dans le métro parisien:
" [...] D'autres voyageurs montent en riant, ils saluent tout le monde. L'un s'adresse à ma voisine : "Ah, vous lisez le Goncourt des lycéens de l'année dernière? J'ai hésité à l'acheter. Vous comprenez, une histoire de recluse au XIIè siècle, ça m'effrayait un peu. - Ah non, répond la femme avec passion, n'hésitez plus, c'est merveilleux. Il lui arrive un nombre incroyable d'aventures entre ses quatre murs, et quelle écriture sublime! - Moi j'avais adoré son histoire de cœur cousu, son premier livre", intervient une autre dame de l'autre côté du siège. Autour de nous, tout n'est que brouhaha joyeux. On s'interpelle, on papote, et si l'on s'apostrophe, c'est avec humour. "Cher monsieur, j'avais un pied avant que vous ne décidiez de l'écraser. - Oh, pardon, madame. Justement j'allais demander votre main, ce n'est pas le pied d'être aussi maladroit dans un cas pareil." La femme rit et lui assure qu'il est pardonné."
 
Jubilatoire, non?  

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